Au printemps dernier, la commune de Saint-Sylvestre-de-Cormeilles (Eure) a vu naître sur son territoire une bien belle étrangeté. À partir du printemps 2023, vers le mois de mai, ce n’est pas seulement un, mais deux chevreuils d’une étonnante couleur blanche qui ont été observés dans les bois et les champs !
« Ils ont été vus la première fois dans les blés et on les voit régulièrement en bordure du bois, affirme le maire de la commune, Jean-Pierre Capon. Il sont tout blancs. Blancs comme neige ! » Or pour ces animaux qui se fondent habituellement dans le paysage brun, c’est loin d’être un avantage : « Il n’y a que quand il neige qu’ils sont dissimulés ! »
Un phénomène rare
D’après Quentin Noyeau, agent de la Fédération des chasseurs de l’Eure, en charge de la gestion de la faune sauvage, si un seul chevreuil blanc est déjà quelque chose de rare, un duo l’est encore plus :
Ce n’est pas courant, car ils sont totalement blancs et issus du même géniteur, ils sont très rarement deux.
Des chevreuils blancs isolés ont déjà été observés dans l’Eure. Ici, une chevrette a accouché de deux faons blancs, un mâle et une femelle d’après Quentin Noyeau. Âgés de moins d’un an, ils sont aujourd’hui encore accompagnés de leur mère.
Les habitants enchantés
« Curiosité de la nature » comme le dit Sylvie Chabin, les animaux ravissent les habitants. La conseillère municipale les a vus à plusieurs reprises et a même pu les photographier de loin. La première fois, « c’était impressionnant, se souvient-elle. Je savais que des petits albinos étaient nés. »
C’est la curiosité, l’exception, on n’en voit qu’une fois dans notre vie.
Dans l’espoir de les apercevoir, certains viennent ainsi se promener dans la partie ouest de Saint-Sylvestre, côté Cormeilles, autour des bois de la Vigne et des Marchardières.
Albinisme ou leucisme ?
Mais sont-ils bien albinos et comment expliquer ce phénomène ? « Albinisme ou leucisme, on ne sait pas », nuance Quentin Noyeau. Pour le déterminer, il faudrait pouvoir s’approcher de plus près et regarder la couleur de leurs yeux : « Les albinos ont les yeux rouges. »
L’albinisme, qu’on retrouve chez de nombreuses espèces, a pour origine une mutation génétique qui affecte « l’enzyme responsable de la synthèse des pigments ». Le gène concerné est transmis par les parents :
Pour qu’un animal soit albinos, il faut que deux parents transmettent un gène récessif.
Le leucisme est produit par un mécanisme similaire, mais ne provoque qu’une absence partielle de couleur.
Pas de danger génétique
La présence de deux animaux mâle et femelle de couleur blanche présente-t-elle un danger génétique pour les chevreuils ? Pas du tout, répond l’agent : « Il y a juste la pigmentation du poil qui est différente. Ce n’est pas un animal affaibli, ses facultés ne sont pas diminuées. » De plus, la couleur blanche ne se manifeste pas à chaque génération :
S’ils se reproduisent, ils peuvent très bien donner un chevreuil avec une pigmentation naturelle.
Le président de la Fédération des chasseurs de Normandie, Dominique Monfilliatre, confirme : « Il n’y a aucune inquiétude à avoir. Eux-mêmes peuvent donner naissance à des petits qui ne seront pas forcément comme leurs parents. »
« Les chasseurs du coin les protègent »
Au contraire, « il faut les protéger, car c’est extrêmement rare », estime Quentin Noyeau. « On compte sur le bon sens des chasseurs. » Le maire Jean-Pierre Capon, qui en fait partie, indique qu’il existe un consensus autour des animaux :
Les chasseurs du coin les protègent, car ils ne font de mal à personne. Le mot d’ordre qu’on s’est donné, c’est de les conserver le plus longtemps possible.
Pour autant, l’inquiétude est permise à ceux qui se seraient attachés à ces mammifères, car il n’y a pas non plus d’interdiction de les prendre pour cible. Aux yeux de certains, chasseurs ou braconniers, pense le maire, ils pourraient apparaître comme des « trophées » : « Il y en a qui rêvent de les avoir. »
Preuve en est, depuis de nombreuses années, un chevreuil blanc naturalisé est conservé par la Fédération à Angerville-la-Campagne.
Pour Dominique Monfilliatre, les chasseurs auraient en tout cas plutôt tendance à être « surpris par un chevreuil blanc » et à le laisser tranquille. Les frère et sœur de Saint-Sylvestre-de-Cormeilles « ont donc des chances de vivre une longue vie » pour le président des chasseurs de Normandie.
Ainsi, s’ils devaient être pris pour cible, ce serait plutôt par des photographes passionnés d’animaux qui pourraient partager leurs plus belles photos de cette chevrette et ce brocard aux bois en ce moment entourés de velours blanc !
La chasse, une pratique encadrée
« Les chasseurs ne font pas ce qu’ils veulent », précise Quentin Noyeau. Ils ont des quotas de prélèvement à respecter pour les différentes espèces de gibier et pour cette saison, la limite est presque atteinte. « Le chevreuil est une espèce concernée par un plan de chasse. Il y a un comptage tous les ans et on décide d’une attribution, on fixe le nombre maximum d’animaux à prélever par territoire « , explique Quentin Noyeau.
En outre, pour être chassé, l’animal doit être sur le terrain où se déroule la chasse. Les chasses sont organisées par les propriétaires des terrains.
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