Interview Nature du Merlet, le projet pédagogique de Juliette Sirand, à Penne d’Agenais

Juliette Sirand est animatrice nature en Lot-et-Garonne. A Penne d’Agenais, elle est en train de fonder un lieu pédagogique, appelé Nature du Merlet.  

Juliette Sirand a créé sa micro-entreprise, NaturAnimée, en janvier 2019.
Juliette Sirand a créé sa micro-entreprise, NaturAnimée, en janvier 2019. ©Delphine Decourcelle
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Juliette Sirand, 29 ans, Agenaise de naissance, est animatrice nature en Lot-et-Garonne et elle est en train de réaliser son rêve : celui de pouvoir organiser des animations à son domicile, pour les scolaires et le grand public.

Comment est né ce projet, “Nature du Merlet” ?

Depuis que j’habite ici, avec mon compagnon depuis un an, (3741 route de Massoulès, anciennement LD Briteste, 47 140 Penne d’Agenais) j’ai en tête de recevoir les scolaires. Nous sommes propriétaires de 9,5 hectares, qu’on a appelés “Nature du Merlet”, en clin d’œil au ruisseau.

Sur cet espace, il y a plusieurs milieux : prairie, bois, zone humide…

Et ce qui est génial, c’est que c’est très riche en termes d’habitats : une zone humide, avec le petit étang là-bas puis en haut la falaise, avec des prairies ultra-sèches, propices aux orchidées.

Entre les deux, c’est boisé. J’ai aussi planté un verger, qui servira pour les animations pour plus tard, quand ça aura poussé…

Vous avez aussi rénové un bâtiment pour des activités en intérieur ?

L’avantage, c’est que je connais bien cet endroit. Il y a un espace pour réaliser un parking, ça va être top ! Je suis en train de faire des travaux pour concevoir un local pour des activités en intérieur.

Mais pour autant, je n’ai pas envie que ça devienne l’usine, d’avoir des classes tous les jours, durant tout le mois de juin. L’idée justement, c’est de concilier l’éducation à l’environnement et la préservation de l’environnement.

Car vous imaginez l’impact sur la faune et la flore, en termes de bruit et de piétinements, s’il y a une classe de 20 gamins tous les jours…

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Mais voilà, il faut aussi permettre aux enfants d’accéder à la nature, car en France elle est malheureusement peu accessible, car surtout en propriétés privées, même s’il y a des chemins de randonnée, etc, mais ce n’est pas vraiment la nature “sauvage”.

Et il y aura donc aussi des balades guidées, destinées à la fois aux touristes et aux locaux ?

Mon projet démarre en juin, avec l’accueil d’une première classe, de Dausse, trop chouette ! Et j’aimerais bien ouvrir l’été, un ou deux jours dans la semaine, afin de proposer un petit cabinet de curiosités, avec balades guidées sur le site, pour les touristes ou les locaux, afin de découvrir la nature du Lot-et-Garonne. Et pourquoi pas des jeux — un escape game par exemple — que le public pourrait faire en autonomie.

Et depuis l’été dernier aussi, je propose une animation familiale un dimanche par mois, sur le thème qui est le plus propice à la saison et pour découvrir la nature du Lot-et-Garonne.

Quelle nature avez-vous côtoyée dans votre enfance ?

J’ai grandi à la campagne, j’étais tout le temps dehors, pendant les vacances scolaires, dès que j’avais du temps libre… J’allais souvent chez mes grands-parents, où il y avait beaucoup de terrain (8 hectares) et des plans d’eau, des prairies, des parties boisées…

Avec mon frère, puis mes cousines, on explorait déjà la nature. On capturait les grenouilles, qu’on relâchait après, les insectes, etc. C’était mon univers. J’étais super bien dehors et c’est toujours là où je me sens le mieux.

Du coup, ça a été une évidence de suivre cette voie plus tard ?

Oui, j’ai décidé d’orienter mes études vers ça car clairement, je ne peux pas vivre sans nature. Je suis partie à Montpellier, sur les conseils de mes parents, car l’université était réputée dans le secteur de l’écologie.

J’ai fait une licence en biologie-écologie et après j’ai continué sur un Master d’ingénierie et gestion de la biodiversité. Mais ce ne sont pas vraiment mes études qui m’ont appris les connaissances que j’ai sur la nature et la reconnaissance des espèces.

C’est plutôt ma passion d’être dehors, avec des bouquins, et j’ai appris aussi aux côtés d’autres passionnés comme moi. Et quand on aime, on apprend assez facilement quand même…

Avec le recul, vos études vous ont-elles servi, ou sont-elles utiles, dans ce que vous faites aujourd’hui ?

Oui elles m’ont permis de découvrir quels métiers on peut faire justement en lien avec la nature. Pendant longtemps, j’ai voulu travailler dans les parcs naturels en zone Natura 2000.

J’ai fait des contrats Natura 2000 quand j’étais en stage mais, en fait ça m’a plu, mais pas tant que ça. Je trouvais que le côté administratif était lourd et que la cause de la préservation de l’environnement ne faisait pas avancer assez vite les choses.

Pour préserver la nature, il faut la connaître un minimum

Juliette Sirand

Du coup j’étais un peu déçue de devoir attendre l’avis de personnes qui n’avaient quasiment jamais mis les pieds sur place, c’était hyper bizarre. J’avais aussi le choix de travailler dans des bureaux d’études mais non merci.

Ou le milieu associatif. J’y ai eu une première expérience de neuf mois, après mes études, au CPIE (Centre permanent d’initiative pour l’environnement), Pays de Serres vallée du Lot à Villeneuve.

J’y étais à temps partiel, je faisais des inventaires faune/flore sur les sites en gestion et sur… l’animation nature !

C’est grâce à ce premier travail que j’ai fait mes premières animations, à la fois pour le grand public et les scolaires, et j’ai adoré ça ! De pouvoir échanger surtout, et j’ai trouvé ça hyper valorisant de transmettre mes connaissances, et bien sûr d’intéresser les gens à la nature. Car pour préserver la nature, il faut la connaître un minimum et surtout l’aimer car on dépend tous d’elle. Et là je me suis sentie beaucoup plus efficace que si j’avais continué à travailler en zone Natura 2000.

Je ne dis pas que c’est inutile ce qu’ils font, loin de là, mais l’animation me correspondait mieux.

Mais en termes d’emploi, dans ce domaine, l’animation, ce n’est pas forcément évident ?

Oui, c’est sûr, mais j’ai beaucoup de chance car il n’y a jamais eu une période où je n’ai pas travaillé, dans la mesure où j’avais l’opportunité de bosser dans l’entreprise de mes parents, qui avait été créée par mon grand-père, la Cerem à Calignac et qui fabrique du matériel de chauffage pour l’élevage.

J’alternais entre cet emploi, à temps partiel ou à temps plein, et mes autres jobs. Mais dans l’environnement et notamment le milieu associatif, en animation nature, il n’y a pas beaucoup de postes.

Et surtout moi je n’avais pas envie de partir à droite à gauche, ou d’être loin et d’avoir à sacrifier toujours un truc : la famille, les amis, le copain…

Petite, j’étais tout le temps dehors

Juliette Sirand

Du coup, vous avez créé votre entreprise ?

J’avais quand même postulé à une offre pour le Parc naturel des Landes de Gascogne, donc pas tout près de  chez moi et on m’avait dit qu’on avait été 300 à  candidater, pour un CDD…

Je me suis dit, ce n’est pas possible ! Je ne vais pas faire des CDD par-ci par-là et déménager tous les six mois… C’est donc là que j’ai décidé de faire mes propres activités : faire ce que je veux, où je veux et quand je veux.

Sur le papier, c’est fantastique et surtout j’ai eu la possibilité — je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas pu faire ça — de repasser à temps partiel dans la société de mes parents. De continuer à travailler tout en développant quelque chose.

Petit à petit j’ai fait ça, et depuis début janvier, j’ai un autre travail, en parallèle de ma microentreprise : je suis animatrice du Ludobus de Penne-d’Agenais.

C’est génial, j’adore, c’est la même chose que ce que je fais en tant qu’animatrice nature, sauf qu’au lieu de proposer des activités nature, je joue, avec des enfants, des familles. Avec le bus, je vais de la crèche jusqu’à l’Ehpad !

Votre entreprise a quatre ans. Comment se porte-t-elle ?

Ma société se développe de mieux en mieux, je n’ai pas à me plaindre. Le printemps et l’été prochain, ça va même être tendu ! Mais tant mieux ! De toute façon c’est assez saisonnier comme travail. C’est très calme de novembre à février.

Au début, on me demandait, “mais tu vas essayer d’en vivre, tu crois ? ”. Alors je répondais : “Si c’est possible, oui. ” mais je ne voulais pas me fixer l’objectif d’en vivre au bout de trois ans, afin d’éviter toute pression inutile et dans la mesure où j’avais un autre métier à côté, je n’avais pas cette urgence d’en vivre à temps plein.

Juliette Sirand dans son domaine, la Nature du Merlet.
Juliette Sirand dans son domaine, la Nature du Merlet. ©Delphine Decourcelle

Je fais un peu de démarchage mais pour l’instant, c’est surtout le bouche-à-oreille qui marche et pour les scolaires, ça fluctue selon le budget des établissements. Mais je n’ai pas à me plaindre, je ne fais que des trucs que j’aime. Je pense qu’on n’est pas beaucoup à pouvoir dire ça…

Que proposez-vous et pour quel(s) public(s) ?

Ma toute première intervention en école, c’était dans celle de mon enfance et sur un de mes thèmes de prédilection en plus : les insectes ! J’organise aussi, entre autres, pour des particuliers des formations naturalistes que je propose comme des sorties mais où je précise que c’est de l’initiation en un peu plus sérieux, en plus pointu, pour approfondir ses connaissances.

Je propose aussi des sorties découverte grand public, et j’interviens dans des centres de loisirs. Aussi, dans le cadre d’un itinéraire de la convention éducative, je peux aller dans les collèges, pour des conférences sur l’élevage intensif et ses conséquences, ou sur la biodiversité, et aussi prochainement sur l’alimentation.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec un animal sauvage et de ce que vous aviez ressenti ?

Je me souviens d’une rencontre inattendue avec un blaireautin. Puis, une autre fois, pendant une balade en montagne dans les Pyrénées : on s’assoit pour manger-je étais avec ma cousine et une amie — et là il y a un gypaète barbu qui vole au-dessus de nos têtes, hyper proche !

Le blaireautin qu'a rencontré Juliette.
Le blaireautin qu’a rencontré Juliette. ©Juliette Sirand

C’est un oiseau énorme, fantastique. Ça, plus le paysage devant nous, j’en ai eu la larme à l’œil ! Il planait donc il allait assez doucement, c’était vraiment dingue ! Chez mes grands-parents aussi, j’ai vu un pic noir, en restant assise près d’un arbre. Je le voyais taper comme un fou sur le tronc, c’était curieux !

Et la dernière fois ?

Oh, il n’y a pas longtemps. C’était avec un élanion, un petit rapace blanc. J’adore cet oiseau ! Il était au-dessus de la prairie, en vol stationnaire et voilà, ça a fait ma journée. Ici (chez elle, à Penne-d’Agenais, ndlr), on a aussi la chance d’entendre le grand corbeau, oiseau rare en Lot-et-Garonne car il niche plus sur les falaises et il y en a peu.

Et encore plus récemment, entendre les premières grues de l’année ! En plus, elles se sont reformées juste au dessus la maison, c’était sublime !

Comment expliquez-vous que la nature, est une “source intarissable” d’émerveillement “comme vous le dites sur votre site internet, et qu’elle vous anime tant ?

Parce que j’ai l’impression justement de faire partie de cette nature et de ne pas la considérer juste comme un support. Ça crée un lien, avec cette impression de faire partie du vivant.

C’est de la découverte à chaque instant, c’est jamais pareil. Et quand je suis dans la nature, je ne pense à rien d’autre que ce que je suis en train d’observer, je fais le vide.

D’ailleurs, les moments où je vais moins bien, je sors dans la nature et ça me suffit à me redonner le moral, de l’énergie… On devrait prescrire ça plutôt que des antidépresseurs, sincèrement !

D’ailleurs j’essaie parfois de le recommander en animation : surtout aux enfants. De se trouver dans la nature ou dans leur jardin, un petit coin et tous les jours, ou quand ils peuvent, aller s’y asseoir dix minutes sans rien faire.

En fermant les yeux, ou pas, ou juste en observant. Ça fait vraiment du bien, ça détend énormément et ça permet de recréer ce lien avec la nature, qui dépérit, malheureusement. C’est prouvé que le lien avec la nature est très bon pour la santé.

Mais comment arriver, à se poser, pour admirer la nature ? Certains trouvent que la nature, c’est ennuyeux…

En prenant des photos par exemple, ça oblige à observer. Mais en ayant en tête que la nature, ce n’est pas un zoo. On ne va pas vers les animaux, c’est plutôt les animaux qui viennent à nous, si on est discret, calme. Ça se mérite !

Observer et apprécier la nature, ça s’apprend 

Juliette Sirand

Quant à l’émerveillement, ça se travaille j’ai l’impression. Moi j’ai grandi par ça, donc c’est presque inné. Mais beaucoup ressentent de l’ennui car justement ils ne portent pas leur attention sur ce qui les entoure, ou pas assez.

Les gens, quand ils se baladent dans la nature, ils marchent, point. Sans vraiment poser leur regard sur quelque chose de précis.

Mais, en fait il y a tellement de choses à voir que ce n’est pas forcément facile. C’est pourquoi, lors de mes animations, je ne parle pas de tout, je cible un thème. Car oui, l’émerveillement, on peut y arriver, en étant accompagné. Et quand ça se produit, c’est magique !

Avec Gilo, une pause nature !

Gilo, le rendez-vous des amoureux de la nature, est un cahier spécial de quatre pages publié une fois par mos, chaque premier jeudi du mois, dans les éditions papiers des journaux Le Républicain Lot-et-Garonne (47) et du Républicain Sud-Gironde (33) (ou en édition numérique ici : https://cutt.ly/pKtqX7i).

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